Détour et retour, encore un tour à Saumur...
Ici, il est des choses que le temps ne change pas, avec cette impression qu’il ne les changera jamais…
Comme le bleu des yeux de ma grand-mère.
Comme les fleurs éternelles, ici, là, dans les mêmes vases, sur les mêmes napperons, sur les mêmes meubles. Les photos, ici, là, dans les mêmes cadres, sur les mêmes murs. L’horloge dans le couloir, silencieuse, et devant laquelle c’est moi qui fais le balancier. Les énormes fauteuils aussi mous qu’une marmite de soupe. Les revues de mots-croisés qui attendent d’être remplis. Entendre parler de « ce tantôt » sans jamais savoir si c’est du matin ou de l’après-midi qu’on parle, « si c’est par là qu’on veut aller ». Ce vieil escalier tordu toboggan, poli par les pas des années. La tapisserie sur laquelle le doigt glisse pour tracer un chemin dans le labyrinthe des fleurs bleues. Les poupées aux visages figés sur la porcelaine froide, aux coiffures anciennes et sophistiquées qu’aucun coup de vent n’a jamais fait bouger. Ce lit qui grince, celui-ci qui ressemble tant à un trampoline, et celui-là dans lequel je me love à chaque fois. Ce parquet qui offre des échardes aux pieds nus, mais ces tapis qui glissent dessus pour faire jouer l’équilibre… Et tellement d’autres…
Et puis… Monter au château par le petit escalier. Faire danser son regard sur ces toits d’ardoise depuis la vue en haut de la butte. Redescendre par les petites ruelles pavées. S’imaginer entrer un jour dans cette maison des Compagnons si intrigante. Caresser le tuffeau doux et fragile. Retrouver ces couleurs pastels. Plonger son regard dans les tourbillons de la Loire, comme dessinés par le bout du doigt d’un géant invisible qui s’ennuie. Attendre que les loupiotes s’y reflètent dans le noir comme des milliers d’yeux. Rentrer juste à temps pour la tisane…
Ici, il est des choses que le temps ne change pas, avec cette impression qu’il ne les changera jamais… Même s’il trace au fil des ans des sillons au coin des yeux bleus de ma grand-mère.
De Saumur, j'en parlais déjà ici, et là.