Détour et retour, à Saumur...
Des paysages cantalous qui font rêver, je suis passée au paysage minier de l’Aveyron. Entre les deux, la route était belle, offrant des vues grandioses. Mais ce n’était pas ma direction, ce n’était pas ce coin d’Aveyron que j’allais découvrir. Arrêtée dans ce bassin houiller la semaine passée, les paysages n’étaient pas des plus gais. Des usines, des usines. Désaffectées. Aux vitres brisées, aux portes envolées, aux murs tagués, aux brins d’herbe et autres mousses immiscées entre les briques rouges de ci, de là. Des mines fermées. Témoins d’une autre époque, d’un autre temps. Il y a donc maintenant un musée pour leur offrir une nouvelle vie… Je ne peux pas m’empêcher de me demander si beaucoup de visiteurs y vont. Parce que je ne peux pas m’empêcher de me demander s’il y a du monde ici. Des rues vides, des maisons de bric et de broc, des murs à vendre. Le tout sous les giboulées de mars, donnait un tableau plutôt morose, triste, et sinistré. Les gens, en revanche, se retrouvent volontiers pour partager un aligot ou un stockfish, et ont l’air de se serrer les coudes…
Comme à Saint-Etienne. Comme au nord de ma Moselle. Comme ailleurs…
« Ah vous savez, c’était pas une belle époque. Les gars avaient du travail, oui. Mais on n’a jamais mieux respiré que depuis que tout a fermé. Pis les fleurs aussi, elles ont jamais été aussi belles. Mais maintenant, y’a pu de travail… Faut partir. Alors c’est ce que font nos jeunes. Et nous les vieux, on reste là. Parce qu’on a toujours vécu là. Et où qu’c’est qu’on irait ? »
Il n’y aura donc pas de photo. Déjà parce que je n’ai pas eu le temps. Et puis, parce que je ne me voyais pas sortir l’appareil… Est-ce que c’est cette boule au ventre donnée par certains bâtiments vides et en voie de « destruction naturelle », cette boule au ventre de ce qui s’est vécu ici et où aucun son ne résonne plus désormais, la boule au ventre… Je n’avais pas le cœur aux photos.
Par contre, j’aurais bien fait des portraits, surtout à domicile. Ces deux frères octogénaires que j’avais vraiment du mal à comprendre à cause de leur très fort accent (et de leurs dents perdues), béret sur la tête à l’intérieur, l’un épluchant les patates du midi, l’autre lisant le journal à voix haute, et leur servant un verre de rouge de temps en temps, vivant ensemble à leur rythme, « Maintenant, et jusqu’à la fin ». Cette mamie qui ne m’a pas entendu entrer tellement elle était occupée à manger sa tartine de confiture de fraise en regardant son poisson rouge vivre dans son bocal, posé sur la table devant la fenêtre, surplombant la vallée. Ce papy centenaire dans quelques semaines, avec qui on allait marcher dehors, parce qu’il « aime bien sa femme mais depuis le temps, il a besoin de prendre l’air ». Et d’autres, que j’ai laissés 450 km plus loin, aux bons soins de leur kiné…
Cette semaine, je suis de retour dans mon mi-pays. L’habituelle balade par les rues pavées, le soleil sur le tuffeau blanc des maisons et les toits d’ardoise bleue, la montée au château, le coucher de soleil sur la Loire majestueuse… Ça faisait un petit moment que je n’étais pas revenue par ici. Et ça fait du bien d’y être.