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Kiné pas d'ici, mais bien là...
20 mai 2018

Le temps, ce n'est pas de l'argent. "Le temps, c'est la vie ! " F., Pérou, 2008

 

Je ne sais pas si un jour, je m’installerai en cabinet. Ce doit être la question qu’on m’a le plus posée ces dernières années lors de tous ces remplacements.

Si un jour je m’installe en cabinet, je ne travaillerai pas de 7h à 22h (et j’aurai sûrement des patients qui comprennent qu’au lieu d’aller au supermarché le dimanche il reste 6 autres jours pour y aller…). Les autres patients, iront voir un autre kiné s’ils ne comprennent pas mon message. Et j’espère du plus profond de moi-même que je ne verrai pas disparaître ce métier au fil des ans. Il y a des choses à faire en rééducation, et pas seulement en kiné… Je veux encore y croire. Et c’est ce qui pourrait me donner envie de m’installer en cabinet.

Non, la kiné ce n’est pas « du chaud et des électrodes sur les reins mais ça ne sert à rien ». Si ça vous arrive, vous avez le droit de secouer votre kiné, et s’il ne vous écoute pas, vous avez le droit d’en changer ! Cela dit, gardez à l’esprit qu’on est loin d’avoir tout compris du fonctionnement de l’être humain. Mais qu’on est tous des humains. Et qu’en kiné, on est des humains qui travaillent avec des humains.

Eh bien, dans mon métier, je n’ai rien à vendre. Je peux uniquement mettre en pratique tout ce que ma tête a appris et continue d’apprendre en allant me former, y ajouter mes mains et mon coeur, pour essayer de faire aller mieux les patients. Mais j’arrête de m’improviser commerçante. Jusqu’à maintenant, j’en avais conscience, mais je faisais en fonction des remplacements. C’est fini. Je me suis engagée pour une période de plusieurs mois dans un super cabinet, mais ce sera sûrement un de mes derniers remplacements en libéral. À la fin de l’année, soit je me lance dans le salariat, soit je cherche à m’installer en cabinet. Je suis prête. À la question « Pourquoi avoir choisi de faire kiné ? », je réponds toujours que je voulais un métier manuel, et utile aux autres. C’est un métier qui tend à devenir de moins en moins manuel, et le rapport aux autres devient parfois bien particulier... En libéral, il y a en plus cette barrière informelle, inconsciente, de l’argent. Soit j’arrive à avoir une patientèle qui me correspond, soit je suis faite pour travailler dans un centre de rééducation, où les patients ont besoin de rééducation, où il y a toute une équipe pour les prendre en charge, où on n’est pas considéré comme un vendeur, ni pris pour jouer au psychologue, où on n'a pas à se justifier auprès du patient en échange de sa carte bancaire et sa carte vitale. Je ne fais pas le procès du libéral. Je ne compte plus le nombre de cabinets dans lesquels j’ai travaillé depuis bientôt 4 ans, mais dans tous ces cabinets j’ai pu rencontrer énormément de monde. Artisans à leur compte, ils avaient besoin de continuer à travailler malgré cette douleur à l’épaule. Agriculteurs, ils avaient besoin de continuer à travailler malgré ce dos en compote parce que la Nature n’attend pas. Infirmiers, ils avaient besoin qu’on prenne soin d’eux pour qu’ils puissent continuer à prendre soin des autres. Ouvriers, ils avaient besoin de continuer à travailler pour avoir de quoi manger, une vie sociale et une certaine estime de soi. Retraités, ils voulaient encore s’occuper de leurs petits-enfants ou arrière-petits-enfants, et découvrir le monde. Humains, ils avaient des projets, et envie de vivre mieux…

 

Pourquoi s’interdit-on d’avoir des projets ? Et des rêves ? Pourquoi cherchons-nous à acheter absolument tout ?

 

 

Pendant ces quelques semaines en salariat, c’était trop court pour tirer des conclusions hâtives, mais certaines choses m’ont frappée. En centre de rééducation, les patients préfèreraient être chez eux qu’hospitalisés (parfois loin de leur famille), donc s’ils sont là, c’est vraiment pour leur rééducation. Alors ils se donnent. Et il y a, encore une fois, toute une équipe pour les accompagner dans leur projet… Je sais bien que ce n’est pas toujours aussi rose, mais ça ne l’est nulle part. Dans la dynamique en tout cas, c’est intéressant. Aussi intéressant que de travailler en libéral avec des patients impliqués. Mais en centre, peut-être du fait du cadre, c’est plus facile…

En centre de rééducation, le côté utile du métier ne peut pas être remis en question. Pour le côté manuel, ça ne l’est pas plus qu’en libéral, mais ça ne l’est pas moins, c’est juste différent… On touche, on masse, on travaille sur les tissus aussi d’une certaine façon… Mais peut-être que ce qui est différent, c’est qu’en libéral, on touche aussi beaucoup plus rapidement à la vie privée, parfois intime, des patients que l’on voit… Malgré nous. Et c’est parfois violent.

 

 

En libéral, il y a aussi bon nombre de patients qui viennent et exigent des soins comme une prestation, comme un service. « À la carte ». Quand c’est parce qu’ils sont allés regarder sur Internet ce qui se fait, même si c’est discutable, l’important est justement d’en discuter, échanger sur ce qu’ils ont lu/vu, expliquer, apprendre parfois,… Ça montre qu’ils s’intéressent et c’est déjà ça. Quand c’est juste parce qu’ils veulent choisir ce qu’ils payent, c’est plus difficile de faire ressortir de la discussion quelque chose de constructif. Ils payent, donc tout leur est dû. Ils ne cherchent même plus à revenir aux sources, à comprendre. Ils choisissent et achètent des plats préparés. Parfois, ils critiquent la qualité. Alors je ne dis pas qu’il faudrait qu’ils avalent nos plats préparés kinésithérapiques (parce qu’il y en a, des kinés qui servent à tire-larigot des plats préparés à tout le monde menu unique, des recettes toutes faites, des protocoles non personnalisés, « du chaud et des électrodes »…), mais plutôt qu’ils cherchent à aller au bout de la démarche, à s’impliquer,… à cultiver leur jardin intérieur et cuisiner ce qui y pousse plutôt que de vouloir acheter et consommer tel quel… C’est de leur santé dont il s’agit ! Et ça ne s’achète pas, ça ne se (sur)consomme pas. En tout cas, ça ne devrait pas…

 

 

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  • Chaussures chaussées, rien de fixé encore, commencer par des remplacements. Des portes à ouvrir, à entrouvrir, et des chemins à parcourir… Bonne route à chacun ! A., qui n'est pas d’ici mais bien là...
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